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BIEN MANGER

et si nos habitudes de consommation changeaient ?

MIEUX CONSOMMER ?

Les Français semblent vouloir très majoritairement modifier leurs habitudes de consommation alimentaire. Cela s’explique notamment par les différentes crises et scandales alimentaires des dernières années qui ont fortement entaché la confiance des consommateurs dans l’industrie agroalimentaire. L’engagement des pouvoirs publics contre l’obesité et ses graves répercussions sanitaires notamment auprès des jeunes, la lutte contre la malbouffe, aident à la prise de conscience de la nécessité de mieux manger et de mieux consommer en général auprès du grand public. Mais entre la volonté de changer et les actes, il reste du chemin à faire.

Bertrand Edl, expert en marketing et achats, nous explique que ces mutations se sont traduites par de nouvelles attentes et de nouvelles habitudes auxquelles ont dû faire face les professionnels de l’industrie agroalimentaire, notamment la grande distribution. En effet, les Français font désormais preuve d’une exigence légitime qui passe par une volonté de transparence, et une modification des codes jusqu’alors établis. Ils ont tendance à privilégier aujourd’hui des produits locaux, de saison, avec une forte tendance pour le bio. La grande distribution, souvent décriée, a ainsi dû s’adapter à ce changement de paradigme et proposer de nouvelles stratégies afin de répondre aux attentes des consommateurs.

Découvrons dans ce dossier les causes et les enjeux de cette volonté de « mieux manger ».

Le mot de Bertrand Edl

ʽʽLe bien manger est à la mode et les grandes enseignes de distribution s’en servent comme pilier de leur politique marketing. Je suis alsacien, terroir de gastronomie et de tradition, et pour mes grands-parents, issus de la génération de la première guerre mondiale, « le bien manger » signifiait pouvoir déguster une cuisine riche, variée, faite maison avec de bons produits de saison, en quantité suffisante ! Cela nécessitait souvent de passer du temps en cuisine, à préparer des repas à partir de produits locaux, frais, non transformés… Je me rappelle encore avec énormément de plaisir et de gourmandise, les heures de mon enfance passées dans la cuisine de mes grands-parents, à observer le balai des casseroles, des produits, des goûts et des saveurs !

À partir des 70’s, la vie moderne et industrielle, le rythme de vie d’une France au travail, les multinationales alimentaires, les réseaux de distribution, tout en simplifiant la vie des français, ont changé le paradigme de la consommation en donnant accès à de multiples produits transformés, mondialisés, désaisonnalisés et de moins en moins chers… Une vie plus facile, plus rapide, loin des fourneaux, à base de produits transformés à bas prix, a permis aux ménagères de s’émanciper et la consommation alimentaire est allée vers l’immédiateté, le tout prêt, en favorisant le règne de la malbouffe, des additifs, des conservateurs… La pression sur les prix, la défense du pouvoir d’achat, la concurrence farouche entre distributeurs et industriels, bien que nécessaires, ont peu à peu participer à l’altération de la qualité des produits de grande consommation.

Quelques décennies plus tard, après les crises alimentaires, les guerres des prix, les maladies, la pandémie d’obésité mondiale, les consommateurs aspirer à autre chose en retrouvant un peu de bon sens. Le succès des émissions culinaires à la télévision qui prônent le gout et les saveurs, les communications médicales et gouvernementales, la peur de la maladie, la démocratisation des produits sains, font évoluer la demande et les attentes des consommateurs qui exigent de pouvoir consommer mieux, plus sainement, avec des produits de qualité… mais toujours le moins cher possible. Cette nouvelle donne change peu à peu les politiques des distributeurs qui en font, presque tous, le fer de lance de leur politique marketing…

Acteur de la grande distribution depuis plus de 20 ans, j’ai toujours observé avec beaucoup d’intérêt ces grands mouvements qui révèlent l’état d’esprit d’une époque et nous informe sur une façon de vivre à travers ce que l’on met dans son assiette et dans son estomac. Ce blog est un témoignage, non exhaustif , du changement de discours de la distribution, de l’évolution des attentes (parfois paradoxales) des consommateurs et finalement des ambitions d’une société et du plus grand nombre, dans nos pays riches.ʽʽ

 

— Bertrand Edl, mai 2020

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Retour sur les différentes crises alimentaires

 

De nombreuses et sérieuses crises alimentaires ont éclaté au cours des dernières années, impactant profondément les habitudes de consommation des Français par une prise de conscience collective.

Bertrand Edl nous rappelle les crises qui ont marqué l’industrie agroalimentaire, parmi lesquelles on retrouve notamment :

1981

Le scandale de l’huile frelatée

Le scandale de l’huile frelatée de colza a fait grand bruit en 1981, commençant par le décès d’un garçon de 8 ans à Madrid. A l’origine de ce drame, on retrouve une huile peu coûteuse vendue comme un substitut de l’huile d’olive sur les marchés. Sauf que cette huile comportait de l’aniline, un dérivé de nitrobenzène destiné initialement à un usage industriel… Les symptômes étaient particulièrement violents, créant une psychose dont le marché de l’huile d’olive a d’ailleurs mis plus de deux ans à se remettre

1986

La maladie de la vache folle

La maladie de la vache folle, ou encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), a conduit à l’embargo pur et simple sur le bœuf britannique (ce dernier sera levé seulement en 1999 par l’Union Européenne et en 2002 par la France). L’épidémie s’est développée suite à l’utilisation de farines animales pour l’alimentation des bovins, engendrant une panique mondiale lorsqu’en 1996 des études ont prouvé que la maladie de l’ESB pouvait être transmise à l’Homme par voie digestive, conduisant à la maladie neurodégénérative de Creutzfeld-Jakob.

1999

Le poulet à la dioxine belge

Lors d’une enquête du Ministère de l’Agriculture en 1999, des traces de dioxine dans la farine d’alimentation des poulets ont été trouvées. Cette substance, hautement cancérigène, fait alors trembler les consommateurs. Conséquence, les Français boudent les poulets et les œufs issus de l’élevage industriel.

2003

La grippe aviaire

Le poulet, déjà très mis à mal avec la crise liée à la dioxine, continue à être dans le viseur des consommateurs avec l’apparition de la crise de la grippe aviaire en 2003. Pourtant, cette maladie se transmet par des contacts rapprochés avec les volailles infectées par le virus, et non par leur consommation. Mais le mal est fait, et les ventes de poulet sont en chute libre dans le monde entier. Il faudra des années pour que le marché de la volaille s’en remette.

2011

L’épidémie de la bactérie E.coli

La bactérie E.coli engendre des symptômes très virulents et a tout d’abord été suspectée dans les concombres espagnols pour finalement être détectée dans des graines germées bio en provenance de l’Egypte. L’impact est mondial créant une nouvelle fois un vent de panique chez les consommateurs.
Ces différentes crises successives ont mené, comme nous l’explique Bertrand Edl, les consommateurs à revoir leurs habitudes de consommation. Les Français sont en effet plongés dans le doute, la crainte, voire la psychose, d’autant plus que plusieurs études, comme le rapport scientifique de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, une « multiplication des crises alimentaires » est à craindre dans de nombreux endroits du monde.

L’évolution des habitudes de consommation des Français

Face à ces nombreuses crises alimentaires, et sans compter les multiples scandales alimentaires (comme celui de la viande de cheval pour ne citer que lui), Bertrand Edl note que les Français ont très majoritairement modifié leurs habitudes de consommation alimentaire.

Le « manger-mieux » est ainsi devenu une priorité. Ainsi, selon un compte-rendu de l’Observatoire Cetelem, les Français se sentent davantage concernés par l’amélioration de la production alimentaire, en étant pleinement conscients de leur rôle d’acteur. Pour 87% des personnes interrogées, mieux manger se traduit par une attention portée sur les produits consommés, ainsi que sur leurs impacts sur la société et la nature.

On peut ainsi constater depuis plusieurs années une orientation de consommation vers le bio, le local, avec une modification des habitudes des Français, comme de nouvelles approches de consommation à l’instar du flexitarisme. Les paniers alimentaires ont également subi de nombreux changements, avec une baisse par exemple de la quantité de viande. Il est également à souligner que cette volonté de manger mieux va au-delà de la seule considération financière pour les consommateurs.
Bertrand Edl partage avec nous quelques points clés qui marquent l’évolution et les tendances de consommation.

L’essor du bio

Le bio est de plus en plus présent dans les assiettes des Français comme le note Bertrand Edl (consultant en grande distribution). Il est aujourd’hui plébiscité par 58% d’entre eux et a progressé de plus de 70% en seulement 10 ans ! Cela répond à une constatation médicale simple et évidente aujourd’hui, ce que l’on mange a un effet sur notre santé!

Les Français portent ainsi une attention toute particulière à la production et à la composition des produits, en privilégiant de préférence les produits exempts de produits chimiques, de conservateurs, d’additifs, d’insecticides et pesticides, et autres antibiotiques. Ils ont tout logiquement tendance à se détourner des OGM et des produits issus des biotechnologies.

Privilégier les produits locaux et de saison

Bertrand Edl dresse un constat : les Français veulent désormais savoir d’où viennent les produits. Ils sont ainsi 80% à consommer des produits locaux, et les solutions se multiplient à l’image des paniers d’AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) particulièrement appréciés.

Les circuits-courts ont également le vent en poupe, tout comme les produits de saison. Les consommateurs ont bien pris conscience des enjeux environnementaux liés aux produits importés (empreinte carbone) et préfèrent consommer intelligemment, de manière responsable.

Une volonté de transparence

Nous sommes aujourd’hui face à une prise de conscience collective et individuelle sur la qualité de l’alimentation. Face aux nombreux scandales alimentaires, les Français sont devenus méfiants et vigilants quant à l’origine des produits. Ils sont ainsi demandeurs de transparence et de traçabilité sur cette origine, mais aussi la composition des produits, l’apport nutritionnel ou encore les conditions de production.

Mais toujours la pression sur le prix?

Ces nouvelles tendances n’effacent pourtant pas les attentes du consommateur sur un prix Bas. S’ils veulent manger mieux, meilleur et responsable, dans leur grande majorité les consommateurs sont ils prêts à acheter plus cher?

A priori, un français sur deux prétend vouloir consommer mieux quitte à payer plus cher mais que se passe-t-il réellement au moment de l’achat? Les catégories de la population les plus aisées font certainement cette démarche plus volontier mais la grande partie de la population qui reste sous tension, est contrainte par son budget. Il semble alors y avoir une inégalité sociale forte, face au “bien manger” et cela devient un marqueur social moderne. C’est souvent dans les populations les plus défavorisées que l’obésité se répand plus rapidement (contrairement aux lointaines époques ou l’embonpoint était signe de richesse…)

La grande distribution fait face et s’adapte à ces évolutions de consommation

 Les professionnels de l’industrie agroalimentaire ont dû faire face aux différentes évolutions de consommation pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Le « mieux manger » est ainsi devenu leur fer de lance, leur leitmotiv, et cela passe nécessairement par un intermédiaire incontournable la grande distribution qui n’y a pas coupé comme le constate Bertrand Edl. En effet, si les hyper et supermarchés restent très fréquentés (49% des Français s’y rendent au moins une fois par mois), les petits commerçants ont la préférence des consommateurs qui les associent à l’authenticité, la qualité, la convivialité.

Les plus grands acteurs se sont ainsi proclamés militants du mieux manger, et ont repensé leurs stratégies marketing et de communication afin de faire partie prenante du mantra « mieux manger ».

Il faut par ailleurs souligner qu’au-delà de cette volonté de satisfaire les clients, la grande distribution est également impactée par la loi EGalim, promulguée le 1er novembre 2018. Cette loi a pour objectif d’une part d’équilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole, mais aussi de promouvoir une alimentation saine et durable. Parmi les actions et champs d’action de cette loi, on retrouve :

  • Payer le juste prix aux producteurs afin de leur permettre de vivre dignement de leur travail ;
  • Renforcer la qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des produits ;
  • Favoriser une alimentation saine, sûre et durable pour tous.

Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse d’une volonté ou d’une obligation, les acteurs de la grande distribution rivalisent d’ingéniosité et d’engagement auprès de leurs clients afin de leur montrer leur volonté d’être à leurs côtés.

Parmi les campagnes marquantes de la grande distribution, Bertrand Edl nous évoque quelques grands noms, comme :

  • Intermarché, grand vendeur de produits à sa marque, est aussi un industriel agroalimentaire conséquent et le premier pêcheur de France. de nombreux produits de sa MDD sortent de ses usines et cela permet à Intermarché de se revendiquer “producteur et commerçant” et de surfer sur le “bien manger” dans ses dernières pubs
  • Système U, qui a mis au point une application, « Yaquoidedans », permettant aux consommateurs de visualiser facilement et clairement la composition de la grande majorité des produits alimentaires proposés ;
  • Carrefour, qui a lancé une campagne d’envergure « Act for food : des actions concrètes pour mieux manger ». Dans ces actions, on trouve entre autres la garantie le bio 100% Français accessible, la suppression de 100 substances controversées et de l’utilisation des pesticides et les traitements antibiotiques, la nourriture des animaux sans OGM <0,9%, la biodiversité des fruits et des légumes… ;
  • Auchan, va jusqu’à proposer la commercialisation de truites nourries à l’insecte pour une alimentation naturelle, saine et durable. Cela s’inscrit dans un dispositif d’actions multiples : des produits bio à moins de 1 €, des fruits et légumes sans pesticides, etc.